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duit, « s’améliorait chaque jour, » c’est une preuve que cette culture était « protégée et soutenue ; » à cet égard, les nombreuses circulaires de Boyer aux commandans d’arrondissement témoignaient de sa sollicitude pour l’agriculture en général. Si la canne à sucre n’était pas cultivée comme le café, c’est que sa culture est plus difficile et exige plus de travailleurs réunis sur une même habitation : or, la tendance des travailleurs était de s’isoler avec leurs familles sur les petites propriétés qu’ils acquéraient, ou des particuliers ou du domaine public. Si le commerce souffrait par les causes indiquées par la Chambre, le gouvernement ne pouvait pas en être responsable. Qui était suspecté d’introduire et de mettre en circulation la fausse monnaie dans le pays, sinon des commerçans étrangers et nationaux des villes ? Si le commerce des grandes villes l’emportait sur celui des bourgs, n’était-ce pas une chose toute naturelle, le résultat d’une population plus forte[1] ? Il y avait, disait la Chambre, inégalité entre l’importation et l’exportation ; mais la faute était imputable à tout le monde, On consommait plus qu’on ne produisait, au-delà de ses revenus, surtout dans les villes ou bourgs ; et tel spéculateur en denrées de ces lieux excitait souvent les producteurs des campagnes à la consommation de marchandises étrangères dont ils n’avaient réellement pas besoin, en leur faisant des avances pour s’assurer leurs récoltes de plusieurs années. Combien parmi eux ne se sont pas ruinés par ces avances inconsidérées ?

Concluons donc de ce langage « à cœur ouvert, » et des observations ci-dessus, que la Chambre des communes ne pouvait guère convaincre Boyer et le porter à renoncer à sa quiétude. Au reste, il n’aimait pas, comme la plupart des

  1. En cela, la plupart des représentans prêchaient pour leurs paroisses : parmi eux, beaucoup étaient commerçans, spéculateurs en dénrées, etc.