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catholiques, que le chef de l’État eût les mêmes attributions que les autres chefs de gouvernement, dans les affaires religieuses et dans les relations de la République avec la cour de Rome. À cette époque, et jusqu’en 1837, il n’était pas satisfait de ce que le ministère français ne se prononçait pas encore à l’égard de ses dernières propositions de 1833, et il soupçonnait ce gouvernement (nous croyons avec quelque raison) d’entraver nos négociations avec le Saint-Père, par cela même que le roi Louis-Philippe semblait peu disposé à se décider de faire un traité politique avec nous, tel que le désirait la nation entière[1]. Dans une telle pensée, le Président ne pouvait que tenir davantage à la conclusion d’un concordat, d’une convention quelconque avec la cour de Rome. On aurait réglé l’état de l’Église haïtienne, on lui aurait donné des évêques soumis à un serment envers la République, et non pas un seul, semblable à M. de Glory, vicaire apostolique relevant directement du Pape, et prétendant bientôt, comme lui, être indépendant de toutes manières de l’autorité du gouvernement, pour vouloir exiger l’abrogation de telles ou telles lois jugées « contraires à la doctrine et à la discipline de l’Église universelle, » ainsi que le disait l’évêque England. Et quand même le gouvernement viendrait ensuite à adopter une loi organique des cultes, basée sur celle de la France, aurait-il mal fait ? La liberté des cultes étant décrétée dans la cons-

  1. En 1838, me trouvant à Paris pour l’échange des ratifications des traités de cette année, M. le comte de Montalivet, ministre de l’intérieur, me fit l’honneur de m’inviter à diner. Il saisit cette occasion pour me demander les motifs qui avaient empêché nos arrangemens avec la cour de Rome : je les lui dis. Il me répliqua : « À présent, si le Président d’Haïti vent reclamer les bons offices du gouvernement du Roi, il lui sera facile de les conclure. » Je lui repondis : « Je ne crois pas que le President le veuille maintenant, car la cour de Rome l’a dégoûte de tout arrangement avec elle. Mais s’il le vonlait, il me semble, Monsieur le comte, qu’il pourrait s’adresser directement au Pape, Haïti étant reconnue indépendante et souveraine par la France. — Sans doute, et je ne vous fais cette offre de service que par amitié pour votre pays. »