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avec une certaine froideur de la part du Président d’Haïti, laquelle dénotait qu’il n’était pas satisfait de se trouver en face de quelques représentans dont l’opposition l’avait mécontenté l’année précédente, en tenant à la Chambre des communes un langage injurieux pour ses sentimens et qui l’avait porté à retirer le projet de loi électorale demandé par ce corps ; en donnant publicité à celui préparé par son comité, dans un journal toujours hostile au gouvernement, dont l’éditeur paraissait s’entendre avec ces représentans dans le but qu’ils poursuivaient. Incapable de dissimulation, Boyer laissait entrevoir ainsi que la session serait aussi stérile cette année qu’elle l’avait été en 1832, qu’il se renfermerait dans son droit d’initiative constitutionnelle pour en user selon qu’il le jugerait convenable aux intérêts publics. De leur côté, jugeant la situation des choses à leur point de vue, ces représentans étaient décidés à provoquer de la Chambre l’usage de l’initiative que la constitution lui accordait aussi, surtout en matière de finances. Dans une telle circonstance, il était facile de prévoir des tiraillemens entre les deux pouvoirs, sinon un grand éclat, préjudiciables à l’harmonie toujours désirable entre eux pour le bonheur de la patrie.

Deux projets de loi furent adressés à la Chambre : le premier, pour abroger celle de 1826 qui établissait des entrepôts réels de produits étrangers ; la loi fut votée d’urgence le 17 juin[1] ; le second, pour laisser indéfiniment, ouverts au commerce extérieur les ports d’Aquin, de l’Anse-d’Eynaud, de Miragoane, de Saint-Marc et du Port-de-Paix ; la loi eut encore un vote d’urgence le 26 juin. En procédant

  1. À défaut d’orateurs du gouvernement, Boyer adressa des messages à la Chambre et au Sénat, pour expliquer les motifs de l’abrogation de cette loi. Dans les années suivantes, il continua ce mode de faire connaître sa pensée, sur les projets qu’il envoya au corps législatif, et ces messages parurent sur le journal officiel.