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On remarquera que le message du Sénat ne répondait guère à celui du Président qui lui demandait « son opinion motivée sur la détermination à prendre dans l’état des choses et dans celui des négociations. »

Quoi que pensent les rêveurs qui jalousent toujours le pouvoir des chefs de gouvernement, il est prouvé que les corps délibérans sont peu propres à diriger des négociations ; et d’ailleurs, on s’était habitué à compter réellement sur les lumières de Boyer à cet égard. Mais, dans cette circonstance, le Sénat avait un motif particulier pour lui parler ainsi. Ce corps était quelque peu mécontent d’un passage de sa proclamation du 12 juin, où il semblait rejeter sur lui et sur quelques fonctionnaires toute la responsabilité de l’acceptation de l’ordonnance de Charles X. Le Président y disait que cet acte avait été d’abord repoussé. » Cependant, dans cette circonstance, un conseil de sénateurs et des principaux fonctionnaires présens alors dans cette capitale, fut convoqué, et sur la décision motivée qui en est résultée, l’acceptation en fut résolue,  » etc. Or, ce conseil privé, comme il le constata lui-même par son procès-verbal, n’avait pas eu communication de la copie de l’ordonnance que tenait le Président ; il n’avait émis son opinion que sur des questions posées par ce dernier, et alors que tout était réglé entre lui et M. de Mackau. Voilà le motif du Sénat pour se retrancher dans ses propres attributions constitutionnelles et dire au Président d’Haïti d’exercer les siennes.[1]

Boyer, on le conçoit bien, n’ignora pas cette particularité ; et piqué de la réponse du Sénat autant que de la note verbale du ministre des affaires étrangères de France, il n’y

  1. Je connus cette particularité par le respectable sénateur F. Dubrenil, des Cayes, qui m’honorait de son amitié.