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samment[1]. Près des anciennes casernes, dans le voisinage du logement de D. Inginac, ce fut encore la même fureur dans de semblables cris. Au coin de la rue du logement de son père, ces extravagances se renouvelèrent avec ces autres cris : « À bas le ministre despote ! À bas Inginac, le coupable Inginac ! » Cette fois l’application de la pensée des opposans était tout à fait directe.

Enfin, le convoi parvint à l’église : il était midi, et les portes en étaient fermées selon l’usage. Le vicaire général J. Salgado, curé de la paroisse, n’avait reçu aucune invitation du marguillier pour procéder aux cérémonies du culte catholique, ainsi que le voulait la loi ; mais on voulut exiger de lui qu’il vînt les faire. Il excipa d’un autre empêchement, c’est qu’il savait que l’infortuné Fruneau était protestant et que son enterrement avait dû se faire selon le rite de cette religion : ce qui était vrai. Il ne pouvait donc déférer au vœu des requérans[2] Ceux-ci, alors, dirigèrent le convoi par la rue des Fronts-Forts et par la longue rue Républicaine d’où ils aboutirent au cimetière. Durant tout ce trajet, les cris ne cessèrent point d’être proférés. Une grande partie des pères et mères de famille se retirèrent successivement du convoi qui fut cependant encore nombreux jusqu’au cimetière.

Lorsque le général Lerebours fut informé des premiers cris poussés devant le palais, il envoya l’ordre de faire venir de tous côtés au bureau de l’arrondissement, un certain nombre de militaires pris dans chaque poste ; en même temps,

  1. On lit dans le n° 19 de la Feuille du commerce du 8 mai 1831, un article écrit par l’éditeur J. Courtois où il convient que, durant la marche du convoi funèbre, il y eut des cris de : Vive la liberté de la presse ! Vivent les articles 217, 218, 38 et 39 de la constitution ! cris irréprochables. Cet aveu même implique ce qui fut imputé à cette cabale séditieuse ; car il n’y avait nulle nécessité de crier ainsi à ces obsèques de Fruneau, si les oppusans n’avaient pas des intentions coupables contre le gouvernement.
  2. Dans son journal, M. Courtois affirma qu’on avait payé pour les cérémonies du culte, mais c’était contraire à la vérité.