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par plusieurs des Girondins et par Brissot en particulier, pour être l’un des commissaires civils ; mais les intrigues des colons réussirent auprès du ministre de la marine à le faire écarter. Ce projet, connu d’avance, avait porté Charles Tarbé à proposer l’article 15 de la loi du 4 avril, qui excluait de la commission civile, comme des emplois d’officiers généraux, d’administrateurs ou ordonnateurs, tous citoyens ayant des propriétés dans les colonies. On ne peut nier que ce fut une disposition convenable, dans l’état de division où étaient les partis à Saint-Domingue. Il ne fallait pas qu’un seul de ces agens de la métropole pût être soupçonné de se laisser influencer dans ses actes par esprit de parti.

Le ministre Lacoste s’opposa particulièrement à la nomination de Sonthonax ; mais son opinion dans le conseil fut combattue par les autres ministres, surtout par Servan, ministre de la guerre. Quoique Lacoste fût tout à fait dévoué aux intérêts des colons, il rédigea assez convenablement les instructions qui devaient servir de règle de conduite aux commissaires civils. Quelle que soit la longueur de cet acte, nous ne pouvons nous dispenser de l’insérer ici, à cause de l’exposé qu’il fait de la situation des partis dans la colonie, et de l’influence qu’il a pu exercer sur la conduite de Polvérel et Sonthonax. Le voici :


La colonie de Saint-Domingue, objet de la jalousie de toutes les nations de l’Europe, par l’étendue de son territoire et par la richesse de ses produits, n’offre plus à l’œil consterné qu’un vaste champ de désordres, de pillages, d’incendie, de carnage, de crimes, de désolation. Un préjugé fatal à ceux qui se sont armés pour le combattre, comme à ceux qui prétendent le maintenir, a fait également le malheur de tous. De premiers germes de divisions en ont successivement