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tion avec les blancs des paroisses qui s’empressèrent d’accepter les concordats. Ils voulurent bien leur laisser l’illusion où ils étaient, depuis les manœuvres de Peinier et de Mauduit, jusqu’à la conduite tortueuse de Blanchelande et des autres agens du gouvernement. La déclaration de Bauvais à Roume prouve ce que nous avançons ici : — enrégimenter le diable, s’il se présente.

Un autre motif avait guidé les chefs des hommes de couleur. Il était essentiel au succès de leur cause que les blancs restassent divisés entre eux. S’ils avaient refusé l’alliance des contre-révolutionnaires, qui étaient presque tous propriétaires d’esclaves, ces contre-révolutionnaires se seraient vus forcés, probablement, d’abjurer leurs principes, de renoncer à leur projet, pour se liguer avec les autres colons, ainsi qu’ils firent plus tard. Alors, les hommes de couleur auraient eu à combattre toute la race blanche à Saint-Domingue. Or, comme la métropole avait tout naturellement ses sympathies pour cette race, il aurait fallu combattre également les forces qu’elle n’eût pas manqué d’y envoyer à son aide. La conduite de Pinchinat, de Bauvais, de Rigaud, fut donc habile. Sachons en tenir compte à ces premiers révolutionnaires, qui furent d’abord mis en suspicion par les commissaires civils envoyés en 1791, à cause de leurs principes apparens, mais qui leur dessillèrent les yeux.

Qu’on ne croie pas, néanmoins, que ces hommes de couleur étaient guidés par un sentiment d’égoïsme pour leur classe, et qu’ils étaient insensibles ou indifferens au sort des esclaves noirs. En poursuivant l’œuvre qui devait leur faire acquérir la jouissance de leurs droits politiques, ils n’étaient pas moins disposés à travailler à