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n’aura-t-elle pas trouvé une excuse pour ces expressions exclusives dans les termes mêmes dont se servit la puissante assemblée dont nous citons les actes ? Pourquoi, s’inclinant devant la volonté des colons, a-t-elle tracé ce fâcheux exemple ?

Ce décret du 15 mai et l’exposé de ses motifs furent encore le fruit des intrigues de Barnave avec les planteurs. Dans la séance de l’assemblée nationale du 13 mai, où ces questions furent discutées avec beaucoup d’agitation, Barnave reçut le concours du talent remarquable de l’abbé Maury, toujours au service du privilège. Nous avons sous les yeux son opinion imprimée à cette époque. Elle se fondait sur la législation coloniale des Anglais, sur celle des États-Unis où les hommes de couleur, encore moins les nègres, ne pouvaient jouir d’aucun droit politique. On y remarque ces passages :


« J’observerai d’abord, dit l’abbé Maury, que les nègres libres sont beaucoup plus intéressans à mes yeux que les mulâtres, ou hommes de couleur. Un nègre libre est un homme qui a mérité personnellement par sa bonne conduite, par son travail, par les services qu’il a rendus à son maître, d’obtenir de sa reconnaissance l’inappréciable bienfait de l’affranchissement. Les hommes de couleur, au contraire, sont tous, ou presque tous, les fruits honteux du libertinage de leurs maîtres… Ce sont les descendans des maîtres et des esclaves, qui, par un mélange coupable, ont engendré cette race intermédiaire entre les blancs et les noirs. Ils doivent tous leur liberté à ces mêmes hommes blancs qui les ont généreusement affranchis.

» Le décret national qui établirait aujourd’hui cette