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actualité suprême, répondre à la haine des blancs, à leur barbare injustice, par le soulèvement soudain de deux cent mille esclaves dans le Nord. Un tel décret eût mieux valu que tous ceux de la métropole ; il eût annulé glorieusement l’article 6 de celui du 8 mars qui déclarait criminel quiconque travaillerait à exciter des soulèvemens contre les colons ; car, presque toujours le droit n’est respecté que lorsqu’il est appuyé par la force. Les événemens ultérieurs l’ont prouvé, et l’assemblée nationale n’est devenue juste, que par ces considérations.

Obéissant à ses idées préconçues, Ogé adressa une lettre au comte de Peinier, en date du 21 octobre[1], qu’il terminait ainsi : « Non, non, monsieur le comte, nous ne resterons point sous le joug, comme nous avons été depuis deux siècles : la verge de fer qui nous a frappés est rompue. Nous réclamons l’exécution de ce décret ; évitez donc, par votre prudence, un mal que vous ne pourriez calmer. Ma profession de foi est de faire exécuter le décret que j’ai concouru à obtenir ; de repousser la force par la force, et enfin de faire cesser un préjugé aussi injuste que barbare. »

Chavanne en adressa une également au gouverneur général, probablement dans le même sens. Nous re-

  1. Dans la procédure suivie à Santo-Domingo, il est fait mention de la lettre du comte de Peinier, du 2 novembre, accusant réception à Ogé, de la sienne en date du 21 octobre. Garran dit que c’est le 25 qu’il écrivit, les colons ayant établi en fait qu’il n’arriva que le 23 ; mais, dans son interrogatoire du 5 novembre, Ogé dit les choses de manière à faire admettre qu’il était arrivé le dimanche, 16 octobre, pour pouvoir écrire le 21. — Voyez le Rapport de Garran, t. 2, page 61, où il est question d’un arrêté, rendu le 22 octobre par l’assemblée, au moment de l’arrivée d’Ogé. Une lettre de Saint-Domingue, insérée sur le Moniteur universel du 25 décembre 1790, dit qu’il arriva le 17 octobre.