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LE LIEUTENANT MARQUISET.

— J’en conviens. Le meilleur parti pour vous serait de retourner à Besançon, d’insister énergiquement. Je vous donnerai une lettre, j’écrirai tout ce que vous voudrez.

— Alors, dis-je, ce que j’ai de mieux à faire est de reprendre le train de Paris.

— Je le crois. Vous aurez encore le temps de dîner avec moi, car le train-poste ne passera que dans deux heures, mais ce pourrait bien être le dernier.

Deux jours après, on affichait dans Paris le désastre de Sedan et je voyais défiler sur le boulevard un groupe précédé d’un tambour. C’était la Révolution qui passait pour aller à la Chambre. On sait ce qui s’ensuivit.

Un compagnon d’armes, plus autorisé que moi, a dit excellemment dans les pages précédentes quels furent les services militaires de Gaston Marquiset.

Que n’a-t-on pas dit depuis sur ces francs-tireurs si diversement jugés ? Sans doute, on eut le droit d’en juger sévèrement un certain nombre, mais a-t-on reconnu le mérite des autres ?

Il faut lire les documents ennemis pour reconnaître que leurs services furent en réalité beaucoup plus grands qu’on ne le croit. Frappés par des promenades incertaines, par des panaches ridicules, par des faits de maraude et d’indiscipline, nous avons trop facilement confondu toutes les compagnies dans une sorte de dédain immérité[1].

Ne faut-il pas leur tenir aussi grand compte des mauvais traitements et de la mort certaine, souvent horrible, qui les attendaient s’ils tombaient entre les mains de l’ennemi ? Qui en douterait n’a qu’à parcourir le journal de Busch, le secrétaire de M. de Bismarck. On ne fusille et on ne met jamais assez à mort au gré du chancelier qui maudit les exceptions opposées sous prétexte « que c’est dans les usages de la guerre ».

  1. Il est à noter que ce dédain était absolu de la part des jeunes qui s’étaient soustraits à l’obligation de porter les armes. Le nombre des réfractaires de la classe aisée fut plus grand à Paris qu’on ne l’imagine ; ils furent impunis presque tous et n’eurent jamais assez de mépris pour le service militaire devant lequel ils avaient fui.