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par leurs protestations et par leur signatures qu'ils avaient données la veille sur une requête pour demander fortement au Gouverneur et conseil la séance de leur juge, attendu que leurs affaires en souffraient.

Nous avons vu dans toute l'amertume de nos cœurs, qu'après toutes les preuves de la tendresse paternelle de Votre Majesté pour ses nouveaux sujets ces mêmes quinze jurés soutenus par les gens de loi nous proscrire comme incapables d'aucunes fonctions dans notre patrie par la différence de religion; puisque jusqu'aux chirurgiens et apothicaires (fonctions libres en tout pays) en sont du nombre.

Qui sont ceux qui veulent nous faire proscrire? Environ trente marchands anglais, dont quinze au plus sont domiciliés. Qui sont les proscrits? Dix mille chefs de famille, qui ne respirent, que la soumission aux ordres de Votre Majesté, ou de ceux qui la représentent, qui ne connaissent point cette prétendue liberté que l'on veut inspirer, de s'opposer à tous les règlements, qui peuvent leur être avantageux, et qui ont assez d'intelligence pour connaître que leur intérêt particulier les conduit plus que le bien public.

En effet que deviendrait le bien général de la colonie, si ceux, qui en composent le corps principal, en devenaient des membres inutiles par la différence de la religion? Que deviendrait la justice si ceux qui n'entendent point notre langue, ni nos coutumes, en devenaient les juges par le ministère des interprètes? Quelle confusion? Quels frais mercenaires n'en résulteraient-ils point? de sujets protégés par votre majesté, nous deviendrons de véritables esclaves; une vingtaine de personnes que nous n'entendons point, deviendront les maîtres de nos biens et de nos intérêts, plus de ressources pour nos dans les personnes de probité, auxquelles nous avions recours pour l'arrangement de nos affaires de famille, et qui en nous abandonnant, nous forceraient nous mêmes à préférer la terre la plus ingrate à cette fertile que nous possédons.

Ce n'est point que nous ne soyons prêts de nous soumettre avec la plus respectueuse obéissance à tous les règlements qui seront faits pour le bien et avantage de la colonie; mais la grâce que nous demandons, c'est que nous puissions les entendre: notre gouverneur et son conseil nous ont fait part de ceux qui ont été rendus, ils sont pour le bien de la colonie, nous en avons témoigné notre reconnaissance; et on fait souscrire à ceux qui nous représentent, comme un mal, ce que nous avons trouvé pour un bien!

Pour ne point abuser des moments précieux de Votre Majesté, nous finissons par l'assurer, que sans avoir connu les constitutions anglaises, nous avons depuis quatre ans goûté la douceur du gouvernement, la goûterions encore, si Messieurs les jurés anglais avaient autant de soumission pour les décisions sages du gouverneur et de son conseil, que nous en avons; si par des constitutions nouvelles, qu'ils veulent introduire pour nous rendre leurs esclaves, ils ne cherchaient point à changer tout de suite l'ordre de la justice et de son administration, s'ils ne voulaient pas nous