Page:Archimède - Des corps flottants, trad. Legrand, 1891.djvu/9

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 9 —

n’avait eu la moindre idée, n’est pas énoncée à part et mise au rang qui lui convenait. Elle arrive, presque incidemment, au troisième théorème. Mais elle est formulée en termes explicites et qui ne laissent aucune place à l’hésitation. Et ceci vaut la peine d’être noté. Car, Archimède n’ayant pas créé de mot spécial qui correspondît à cette notion nouvelle, on a paru dire qu’il n’avait pas cherché à en exprimer nettement l’idée. Or il l’a rendue, à défaut d’un mot unique, au moins par une des tournures que lui offrait la langue parlée autour de lui, par une alliance de mots qu’on rencontre quatre fois la même dans le premier Livre du Traité. Je me suis expliqué là-dessus dans les Notes. Un des mérites d’Archimède est d’avoir distingué ce qu’on confondait jusqu’à lui : l’épaisseur ou viscosité des liquides et leur poids relatif à leur volume. Il a introduit dans la science la notion de poids spécifique. Il importe qu’on ne se méprenne pas sur cette preuve de sa grande originalité d’esprit.

Sur la pression que reçoit et transmet le liquide il n’a pas eu des vues aussi précises que sur le poids spécifique. Il n’a pas défini ces pressions ; il n’en a pas donné une théorie. Examinant ce qui se passe en des points différents d’une même couche liquide horizontale (c’est là son procédé constant de recherche), il constate, sans plus, que la pression sera plus grande ici, plus faible là. Il ne l’étudie pas autrement ; pour aucun des divers cas qui se présentent, il ne la mesure. Comme l’a fait remarquer Ch. Thurot (ouvrage cité), il ignore ce que Pascal saura le premier, « qu’un liquide transmet en tous sens la pression exercée en vertu de la pesanteur par ses couches supérieures sur les inférieures ». De là ce défaut de rigueur absolue, sensible en divers points de sa théorie. Il n’a envisagé la pression que comme s’exerçant de façon vague sur les couches liquides, non comme agissant sur un élément de surface, et proportionnellement à la surface. Par suite, il n’a pu établir scientifiquement ce qu’implique son hypothèse première, que tous les points d’une même couche liquide horizontale reçoivent la même pression, et qu’elle est la même en tous sens autour d’un même point.

Après tout, ce qui importait, c’était de mesurer la poussée de bas en haut que subit tout solide qui plonge dans un liquide. Archimède en formule la mesure, et cette formule, il l’appuie sur un raisonnement vraiment démonstratif (la sixième proposition). Quant au point d’application de cette poussée (le centre de gravité du liquide déplacé), il l’indique nettement, mais sous la forme d’un postulatum, où il demande qu’on lui accorde aussi la direction verticale de cette même force ; c’est là sa seconde hypothèse. — Somme toute, ce qu’il était malaisé de voir est vu, et le principal est dit.

Nous ne pousserons pas plus loin cet examen où notre compétence de simple grammairien est trop limitée aux connaissances que nous venons d’acquérir pour les besoins de la cause. Aussi bien n’avons-nous donné entier et avec des commentaires que le premier Livre, le seul qui soit d’un intérêt général. Le second établit les conditions d’équilibre des segments

L. 1.