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Mélanges publiés à Paris, en 1883, en l’honneur de Charles Graux. À défaut de ce plaisir de haut goût, il m’a semblé que quiconque s’intéresse à l’histoire de la Science ou à l’antiquité grecque aimerait à lire une traduction précise et serrée des Corps flottants, en sachant sur quelles bases le traducteur aurait travaillé[1].

Il ne m’a pas été donné d’aller lire à la Vaticane le manuscrit de Guillaume de Moerbek, mais M. Heiberg, à qui les lecteurs futurs d’Archimède devront tant, à qui, pour ce travail, je dois moi-même plus que je ne saurais dire, a collationné fort scrupuleusement ce manuscrit avec le texte de son édition. Je me suis servi de cette collation insérée à la suite de sa remarquable étude sur Guillaume de Moerbek, publiée comme il a été dit plus haut[2] à Leipzig en 1890.

Voici donc, à part de légères différences purement verbales, la forme même sous laquelle Archimède a vu et présenté aux quelques savants du iiie siècle avant notre ère sa précieuse découverte. C’est ainsi qu’il a, selon le mot de Pascal parlant de son grand prédécesseur[3] « éclaté aux esprits ! »

La partie la plus intéressante de ce petit Traité, celle au moins qui sollicitait le plus la curiosité, est peut-être l’hypothèse ou postulat initial qui sert ensuite dans presque tous les théorèmes. Toujours est-il que c’est ce qu’il était le moins facile de comprendre et de traduire. J’ai exposé dans les Notes les difficultés que ces quelques lignes soulevaient et qu’il me semble avoir aplanies.

Dès qu’il tient pour accordés le glissement des molécules liquides et la direction de ce mouvement, Archimède explique aisément, sinon avec une absolue rigueur, du moins avec une admirable clarté d’évidence, comment se comportent dans les divers cas possibles, les solides flottants dans un liquide.

Il est vrai que sa théorie semble quelque peu éparse et comme émiettée : il ne la rattache pas tout entière à un principe unique, simple et compréhensif, centre autour duquel le reste ne soit plus qu’un rayonnement de corollaires. Il ne faut pas s’en étonner. C’est là la manière de procéder de l’esprit grec, au moins pour l’exposition de la pensée scientifique. Elle avance pas à pas ; les vérités arrivent une à une, sans que les plus importantes paraissent dominer les autres.

Par exemple, la notion du poids spécifique dont nul avant Archimède[4]

  1. N’étant pas bien sûr d’avoir affaire à de l’Archimède pur, Peyrard ne s’est pas imposé une exactitude rigoureuse. De bons juges, entre autres Ch. Thurot (Recherches, p. 13 et 15), trouvent sa traduction des Corps flottants tantôt obscure, tantôt inexacte. — M. Heiberg a fait sa restitution grecque d’après Tartaglia et avant d’avoir vu le manuscrit de 1269.
  2. Note 2, page 5.
  3. Pensées. Édition Havet, t. II, p. 16.
  4. Pas même Aristote, quoiqu’il ait touché à ces questions.