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La littérature épique de l’Irlande est l’œuvre de la corporation savante des file. Les file portent un nom qui veut dire « voyant. » Sa racine est la même que celle du breton gwelout « voir. » Les file sont une partie de la grande classe privilégiée de savants, de littérateurs, de prêtres et de juges que Rome conquérante a trouvée en Gaule au premier siècle avant notre ère et dont César n’a vu qu’une section. César ne mentionne que les druides, c’est-à-dire la section sacerdotale de la classe lettrée gauloise. D’autres auteurs de l’antiquité reconnaissent dans le monde lettré de la Gaule trois éléments.

Diodore de Sicile, vers l’an 40 avant notre ère, distingue des philosophes et théologiens appelés druides, les poètes appelés bardes, et les devins[1]. Strabon, en l’an 19 de notre ère, reproduit cette division triple, en appelant οὐάτεις, vates, les devins de Diodore et en leur attribuant la célébration de sacrifices[2]. La même division se trouvait chez Timagène. Timagène se place chronologiquement entre Diodore et Strabon ; mais le texte grec de cet auteur est aujourd’hui perdu, et le passage qui nous intéresse ne nous est conservé que dans une traduction latine, écrite au quatrième siècle et insérée dans l’histoire

  1. « Χρῶνται δὲ καὶ μάντεσιν. » Diodore de Sicile, V, 31, éd. Didot-Müller, p. 272.
  2. « Οὐάτεις δὲ ἱεροποιοὶ καὶ φυσιόλογοι. » Strabon, t. IV, ch. 4, § 4, éd. Didot, Müller et Dübner, p. 164. Strabon écrivit son quatrième livre l’an 19 de notre ère, voir Christoph Gottlieb Groskard, Strabons Erdbeschreibung, introduction, § 4, t. I, p. xvii.