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hommes prennent pour un signe de supériorité, de l’indifférence bruyante dont les soldats font ordinairement profession. Un calme profond régna aussi dans l’air : les oiseaux avaient cessé de chanter.

Après une attente solennelle d’environ deux minutes, des transports de joie, des applaudissements frénétiques, saluèrent avec le même accord, la même spontanéité, la réapparition des premiers rayons solaires. Au recueillement mélancolique produit par des sentiments indéfinissables, venait de succéder une satisfaction vive et franche, dont personne ne songeait à contenir, à modérer les élans. Pour la majorité du public, le phénomène était arrivé à son terme. Les autres phases de l’éclipse n’eurent guère de spectateurs attentifs, en dehors des personnes vouées à l’étude de l’astronomie.

Ceux-là même qui, au moment de la disparition subite du Soleil, s’étaient montrés le plus vivement émus, s’égayèrent le lendemain, et ce me semble outre mesure, au récit des frayeurs que bon nombre de campagnards avaient éprouvées et dont, au reste, ils ne cherchaient pas à faire mystère. Pour moi, je trouvai tout naturel que des hommes illettrés, à qui personne n’avait dit qu’une éclipse devait avoir lieu dans la matinée du 8 juillet, eussent montré une grande inquiétude en voyant les ténèbres succéder si brusquement à la lumière. Qu’on ne s’y trompe point, l’idée d’une convulsion de la nature, l’idée que le moment de la fin du monde venait d’arriver, n’est pas ce qui bouleversa le plus généralement ces hommes incultes et naïfs. Lorsque je les questionnais sur la cause réelle du désespoir qui s’était emparé d’eux le