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LIVRE V. — DE LA VISIBILITÉ DES ASTRES.

les Iakoutes, ont différentes fois remarqué que l’étoile bleue (Jupiter) avalait (swallow) une autre très-petite étoile, et que bientôt après elle la rendait (send it). Ainsi ces peuplades avaient observé à l’œil nu les immersions et les émersions des satellites de Jupiter. Était-ce à cause de la sensibilité de leur rétine ou de la perfection avec laquelle les images venaient s’y peindre ? L’expérience faite à Paris, avec une lunette sans grossissement, vient à l’appui de la seconde hypothèse.

La visibilité d’un objet se peignant sur un point donné de la rétine, est affectée par la formation d’images très faibles dans les points environnants, même lorsque aucun rayon divergent n’en émane ostensiblement.

Ce fait a été constaté par des observations faites à Rome dans l’Observatoire de cette ville. Le père Vico et ses collaborateurs remarquèrent que les faibles satellites de Saturne étaient visibles dans une lunette de Cauchoix, alors seulement qu’on avait le soin de placer l’image de la planète sous une lame opaque. Voici l’explication que j’ai cru pouvoir donner de ce phénomène :

La cornée, soit à cause de sa teinte spéciale, soit à raison des stries solides ou liquides qui la sillonnent, disperse dans tous les sens une portion notable de la lumière qui la traverse, comme le ferait un verre légèrement dépoli. Si un astre éclatant se trouve dans le champ de la vision, la rétine ne peut donc manquer d’être fortement éclairée dans tous ses points. Dès lors les autres astres ne sauraient devenir visibles que si leurs images régulières prédominent sur cette lumière diffuse. Ceci posé, lorsque dans les observations de Rome la plaque