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par la presse ; je sais môme qu’on se flatte d’avoir ébranlé ainsi quelques convictions loyales. Comment continuer, en effet, à se préoccuper de portées expérimentales !

Passons des mots aux choses, et le public verra à quel point on espère se jouer de sa crédulité.

De quelle façon a-t-on obtenu les portées de 2 et de 3 mille toises que j’ai citées ?

A l’aide de grandes bouches à feu, fondues à la manière ordinaire, forées suivant les procédés ordinaires ; avec de la poudre ordinaire, avec des projectiles moulés par les méthodes ordinaires, avec les moyens de pointage les plus ordinaires. Comment donc un coup expérimental pourrait-il différer d’un autre coup ? pourquoi le centième ne ressemblerait-il pas au premier, au second, au troisième coup ? A la vérité, on tirait en rase campagne ; il n’y avait là ni une ville ni une colonne de soldats ; mais à moins qu’on ne prétende que la nature du but peut altérer le calibre de la pièce, diminuer la puissance d’inflammation de la poudre, changer les dimensions de la bombe et rendre la graduation de l’instrument de pointage défectueuse, il faudra bien admettre qu’en dedans comme en dehors des forts détachés, les mortiers à la Willantroys porteraient leurs projectiles à 2 et à 3 mille toises. Tout ce qu’il serait possible d’accorder, si dans un esprit de conciliation on voulait se rapprocher du système ministériel, se réduirait donc à changer le nom de canonniers en celui d’expérimentateurs ; les villes seraient alors saccagées, pulvérisées, incendiées ; leurs habitants seraient tués