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mensité du dommage possible à l’exiguïté du préservatif, déclarent qu’il répugne à leur raison d’accorder qu’une mesquine tige métallique puisse mettre un grand édifice, un grand navire, à l’abri des atteintes du plus imposant des météores. Suivant eux, ces tiges élevées dans les airs et qualifiées d’une manière si ambitieuse, sont absolument sans effet ; elles ne font ni bien ni mal. Il en est qui, s’abandonnant à un ordre d’idées tout opposé, attribuent aux barres métalliques une forte action ; mais ils croient cette action nuisible. Armer le faîte d’un édifice de tiges de métal élevées, c’est, disent-ils, y appeler la foudre de propos délibéré ; c’est créer un danger qui sans cela n’eût pas existé ; c’est faire descendre sur soi des feux dont les nuées orageuses fussent allées se décharger au loin ; c’est accroître considérablement les risques courus par les habitations voisines. Le grand Frédéric prenait rang lui-même parmi les adversaires de l’invention de Franklin, le jour où, cédant à l’opinion publique et à celle de l’Académie de Berlin, il permettait de placer des paratonnerres sur ses casernes, sur ses arsenaux, sur ses magasins à poudre, et défendait en même temps, dans les termes les plus formels, d’en ériger au château de Sans-Souci.

Les doutes, les difficultés que je viens d’indiquer, ont poussé dans les esprits de profondes racines. En réfléchissant au moyen de les extirper et d’augmenter le nombre des partisans éclairés des paratonnerres, il me parut, tout d’abord, qu’il conviendrait de séparer totalement l’observation de la théorie ; que la marche la plus sûre, la plus rationnelle, serait d’analyser les effets bien constatés de la foudre ; d’essayer d’en déduire des conséquences géné-