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qu’il ne m’est pas permis de répéter ici, renferment eux-mêmes des scènes admirables. C’est ainsi que l’immortel poëte préludait à la réforme qui lui permit plus tard de donner au même public les comédies irréprochables des Femmes savantes, de l’Avare, du Tartufe et du Misanthrope.

Si Molière aima le peuple, le souvenir du peuple lui resta fidèle. En 1773, à l’occasion d’une représentation avortée, dont le produit devait servir à faire élever une statue au père de la bonne comédie, Lekain consignait dans ses Mémoires ces paroles bien remarquables : « La masse la plus pauvre et la plus sensible de la nation reçut ̃l’annonce de la représentation avec le plus grand enthousiasme mais les belles dames et les gens du bel air n’y firent pas la moindre attention. »

Les hommes d’élite doivent compte à la patrie, à leurs contemporains, à la postérité de l’usage qu’ils ont pu faire des qualités éminentes dont la nature les a dotés. La mémoire de Molière peut défier de telles investigations. En quinze années l’incomparable poëte composa ̃trente pièces. Molière n’avait que cinquante et un ans quand la France le perdit.

Nous avons dépeint l’auteur ; voyons rapidement dans ses Œuvres, je ne dis pas de quels plaisirs, l’énumération serait trop longue, mais de quels services, de quels bienfaits la société lui est redevable.

Avant Molière, la comédie ne reproduisait guère chez nous que les ridicules des bouffons et des valets. Le grand homme transporta le premier sur la scène les personnages puissants et titrés. Eux aussi, dès ce moment, étalèrent aux yeux d’un public moqueur, impitoyable, leurs tra-