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ment éloigné de prévoir les liaisons mathématiques d’où Laplace a déduit des résultats si beaux, si évidents, si utiles, qu’il taxait d’ineptie la vague pensée que Kepler avait eue, d’attribuer à l’attraction lunaire une certaine part dans les mouvements journaliers et périodiques des flots de la mer.

Laplace ne se borna pas à étendre si largement, à perfectionner d’une manière si essentielle la théorie mathématique des marées ; il envisagea, de plus, le phénomène sous un jour entièrement nouveau ; c’est lui qui, le premier, traita de la stabilité de l’équilibre des mers.

Les systèmes de corps solides ou liquides sont sujets à deux genres d’équilibre qu’il faut soigneusement distinguer. Dans le premier, dans l’équilibre ferme ou stable, le système, légèrement écarté de sa position primitive, tend sans cesse à y revenir. Dans l’équilibre instable, au contraire, un ébranlement très-faible à l’origine, peut à la longue causer un déplacement énorme.

Si l’équilibre des flots est de cette dernière espèce, les vagues engendrées par l’action des vents, par des tremblements de terre, par des mouvements brusques du fond de la mer, ont pu s’élever dans le passé, elles pourront s’élever dans l’avenir jusqu’à la hauteur des plus hautes montagnes. Le géologue aura la satisfaction de puiser dans ces oscillations prodigieuses des explications rationnelles d’un grand nombre de phénomènes, mais le monde se trouvera exposé à de nouveaux, à de terribles cataclysmes.

Les hommes peuvent se rassurer : Laplace a prouvé que l’équilibre de l’Océan est stable, mais à la condition