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de Copernic, de faire construire, aux frais du grand-duc Frédéric de Wurtemberg, une sphère dans laquelle chaque corps céleste serait représenté par une boule renfermant une liqueur qui aurait rapport à son essence intime. Le Soleil aurait été rempli d’esprit-de-vin ; Mercure, d’eau-de-vie commune ; Vénus, de miel liquide ; Mars, puisqu’il causait tant de chagrin aux astronomes, en ne voulant pas se plier à leurs calculs, d’absinthe ; Jupiter, de vin Saturne, de bière.

Tout cela est assurément très-puéril ; mais ce qui ne l’est pas moins, c’est d’avoir pris la conception au sérieux et de s’en être fait un argument pour prouver le dévergondage d’imagination auquel s’abandonnait Kepler.

Le caractère de Kepler était ferme et très-honorable. L’amour de la vérité sans faiblesse était un titre à son estime. « J’aime Copernic, écrivait-il, non-seulement comme une intelligence supérieure, mais encore comme un esprit libre. »

Lorsque, après le procès de sa mère, il fut obligé de quitter Linz et l’Autriche, Jules de Médicis le recommanda à la république de Venise, qui l’appela comme professeur à Padoue, mais il répondit : « Je suis Allemand de naissance, de sentiment, et habitué comme tel à dire imprudemment partout la vérité. Je ne dois pas m’exposer à être jeté dans un bûcher comme Jordano Bruno. »

À la suite de la condamnation fulminée contre l’ouvrage de Copernic et la brochure du carme Foscarini, qui avait entrepris de prouver que les passages de l’Écriture ne doivent pas s’entendre dans le sens littéral qu’ils