Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vices que cet homme prodigieux ait rendue à l’astronomie. Partout on trouve des empreintes profondes de son incomparable perspicacité ; les vues dont nous lui sommes redevables ont été en partie méconnues, parce qu’elles sont arrivées au public, mêlées à des idées systématiques. On en a pris occasion pour combattre à outrance l’emploi des hypothèses dans toutes les recherches sérieuses, comme s’il était possible d’imaginer des expériences de quelque valeur sans le secours des hypothèses. L’important est de ne regarder toute idée théorique comme parfaitement établie, qu’après qu’elle a été sanctionnée par l’observation et le calcul.

Kepler s’est montré, autant que possible, fidèle à cette règle ; il n’a jamais hésité à abandonner ses spéculations les plus chères, lorsque l’expérience venait à les ébranler.

Kepler, réduit par ses besoins poignants et ceux de sa famille, à faire, à la demande des libraires, des publications pour ainsi dire quotidiennes, avait pris l’habitude de penser tout haut et de mettre le public dans la confidence de toutes les idées qui traversaient son cerveau. En est-il beaucoup parmi ceux qu’on appelle les plus sages qui pourraient supporter une pareille épreuve ? Je ne prétends pas cependant que les nombreux ouvrages de Kepler ne renferment point des conceptions que les considérations précédentes ne sauraient excuser. Mais du moins une atténuation de leur excentricité se trouvera le plus souvent dans le genre de vie que les circonstances firent au grand astronome, et dans l’influence que des malheurs de famille sans exemple, avaient dû exercer sur son caractère.