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pour qu’il soit possible d’en entrevoir toutes les nuances ; enfin, ses contours se dessinent avec précision ; ils la séparent nettement de tout ce qui l’entoure, de ce qui n’est pas elle. À cette dernière époque, mais alors seulement, la parole s’en empare avec avantage, la féconde, lui imprime la forme hardie, pittoresque, socratique, qui la gravera dans la mémoire des générations.

Les causes qui accélèrent ou retardent la naissance d’une pensée et ses diverses transformations, sont nombreuses et très-fugitives ; leur mode d’action n’a d’ailleurs rien de régulier, de constant. Paësiello composait enseveli sous des couvertures. Cimarosa, au contraire, ne trouvait les beaux motifs dont ses opéras fourmillent qu’au milieu des joies et du bruit de la foule. L’historien Mézerai n’écrivait, même à midi, même dans le mois de juillet, qu’à la lumière des bougies. Rousseau, d’autre part, se livrait à ses plus profondes méditations en plein soleil, pendant l’exercice d’une herborisation.

Si Ampère n’avait de verve que debout, qu’en s’agitant, Descartes, au contraire, restait couché, immobile, et Cujas ne travaillait avec fruit qu’étendu de tout son long sur un tapis, le ventre contre terre.

Nous avons tous souri en voyant, dans notre jeunesse, de mauvais écoliers chercher des yeux, au plafond de leur classe, la leçon dont ils ne se ressouvenaient pas. Eh bien, c’est dans cette position, la tête fortement penchée en arrière, que Milton composait.

Ces faits paraîtront fort étranges ; mais que dira-t-on, alors, du peintre Guido Reni, auquel toute inspiration échappait, s’il n’était pas vêtu avec magnificence ; du