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interdisaient impérieusement cette innovation. Ampère n’était pas homme à se laisser décourager par de semblables difficultés. Les usages ne lui accordent pas la parole dans l’amphithéâtre où Cuvier développe ses idées ; ce sera en face, sans sortir de l’enceinte du collége fondé par François Ier, si ce n’est le même jour, du moins dans la même semaine, à l’occasion de son cours de Mathésiologie, qu’Ampère se placera franchement, quant au point le plus capital de la zoologie philosophique, en adversaire décidé du premier naturaliste de l’Europe. Dans chacune de ses leçons, on entendra la critique détaillée, minutieuse, de la précédente leçon de Cuvier. Mais, en revanche, Cuvier, à qui Frédéric son frère, un des auditeurs du cours de mathésiologie, analysera l’argumentation d’Ampère, en fera périodiquement le texte d’une de ces leçons dont le Collége de France conservera longtemps le glorieux souvenir, et où brilleront au même degré le talent d’exposition, la connaissance détaillée des faits et, faut-il l’avouer, l’art de rendre le sarcasme incisif, sans franchir les limites d’une critique de bon ton. Chaque semaine, Ampère semblera terrassé sous les coups de ce nouvel Hercule ; et chaque semaine aussi, comme l’Antée de la fable, on le trouvera prêt à soutenir d’autres combats, non toutefois sans avoir quelque peu et fort habilement changé de terrain entre deux assauts successifs.

Pour supposer qu’Ampère considéra cette lutte comme un tournoi d’apparat et sans conséquence, il a fallu admettre, contre toute raison, contre toute probabilité, que, mettant volontairement un bandeau sur ses yeux, il