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quels talents s’étaient-ils illustrés ? N’étaient-ils pas alors, ne sont-ils pas, s’ils vivent encore, destinés à disparaître tout entiers sous les premières pelletées de terre jetées dans leur tombe. Qu’y avait-il de commun entre des individus condamnés à un éternel oubli et celui dont le souvenir devait vivre à jamais ?

« Je suis vieux, dit un jour Lagrange à Poisson. Pendant mes longues insomnies, je me distrais en faisant des rapprochements numériques. Retenez celui-ci, il peut vous intéresser :

« Huygens avait treize ans de plus que Newton ; j’ai treize ans de plus que Laplace. D’Alembert avait trente deux ans de plus que Laplace ; Laplace a trente-deux ans de plus que vous. » Conçoit-on une manière plus délicate d’introduire Poisson dans la famille des grands géomètres ? Au reste, personne ne le niera : lorsque l’auteur de la Mécanique analytique assignait à Poisson une place parmi les Huygens, les Newton, les d’Alembert, les Laplace, il lui décernait un brevet d’immortalité devant lequel toutes les persécutions entées sur les haines des partis devaient disparaître, comme le léger brouillard du matin sous l’action des premiers rayons du soleil levant.