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Tout le monde concevra la faveur dont la Restauration dut entourer un homme du mérite de Poisson, qui était animé de pareils sentiments contre le gouvernement impérial. Les Cent-Jours ravivèrent chez Poisson toutes ses anciennes antipathies. Il voulut même s’enrôler dans les volontaires royaux ; mais quelques amis moins ardents lui firent remarquer que sa mauvaise santé lui interdisait cet acte de dévouement, et que, s’il partait, il mourrait dans un fossé, au bord de la route, à peu de distance de Paris. Ces conseils produisirent leur effet.

La seconde Restauration, reconnaissante envers Poisson de son opposition constante au gouvernement de Napoléon, le combla de faveurs ; elle ne lui demanda d’ailleurs aucun compte de l’origine de cette désaffection ni de son scepticisme bien connu sur les articles de foi ou de dogme. Un sentiment commun de haine pour Napoléon fut le lien qui le rattacha aux principaux fonctionnaires de l’époque, et particulièrement à M. Frayssinous, grand-maître de l’Université. Je n’oserais pas toutefois assurer que, par la fréquentation habituelle et amicale des ministres de Louis XVIII, Poisson ne se fût persuadé à la longue, sans trop y réfléchir, que ses opinions anciennes avaient touché par quelques points aux principes de la légitimité.

Vers cette époque, il eut la douleur de tomber souvent au sort, en même temps que d’anciens élèves de l’École polytechnique, ses camarades, pour figurer parmi les jurés appelés à prononcer sur des procès politiques. Poisson avait trop étudié le calcul des probabilités pour regarder ces désignations répétées comme le simple effet