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Prenons un troisième exemple, que Poisson n’a pas cité, et qui fera également ressortir la signification réelle de cette loi des grands nombres.

Supposons un tableau horizontal portant des raies parallèles et équidistantes, et qu’on jette au hasard sur ce tableau un cylindre d’une longueur donnée, et dont le diamètre peut être censé négligeable : la probabilité que le cylindre jeté au hasard ne rencontrera aucune des lignes parallèles dépendra évidemment de l’angle qu’il formera après sa projection avec une ligne passant par son milieu et perpendiculaire aux parallèles que le tableau renferme. Dans l’expression de cet angle entre nécessairement le rapport du diamètre à la circonférence, en comptant le nombre de cas dans lesquels le cylindre n’a pas touché les parallèles. Sur un nombre considérable d’épreuves, on pourra en déduire le rapport en question ; ce rapport sera le même et égal au nombre connu, soit que vous le déduisiez des preuves faites aujourd’hui, demain, après-demain, pourvu qu’elles soient assez nombreuses.

Comme exemple de la vérification de la loi des grands nombres dans les phénomènes de l’ordre moral, nous pouvons invoquer la constance du droit moyen de greffe perçu par les tribunaux sur un certain nombre d’années, quoique ce droit dépende de l’importance des procès et de l’ardeur que met le public à plaider. Nous pourrions citer encore la somme à peu près constante que produisaient jadis les mises à la loterie et le total des sommes aventurées dans les jeux publics.

On ne peut donc pas douter que la loi des grands nombres ne convienne aux choses morales qui dépendent