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et le décadi. C’était l’art de bien dire qui conduisait Poisson au Théâtre-Français, car il savait par cœur Molière, Corneille, et surtout les tragédies de Racine.

J’avais pensé un moment devoir, à cette occasion, réfuter une imputation profondément blessante pour tous les membres de cette Académie, qu’un poëte illustre a laissé tout récemment échapper de sa plume. J’avais même déjà réuni les noms empruntés à l’antiquité grecque et latine, à l’Italie de la renaissance, à la Suisse, à l’Allemagne, à l’Angleterre, à la France, et qui eussent prouvé que les études scientifiques, loin d’émousser le sentiment et d’énerver l’imagination, les développent au contraire, et les fortifient. Mais j’ai bientôt renoncé à commencer cette croisade sans objet sérieux. Que dit, en effet, le poëte ? Il dit « qu’il est impossible de faire comprendre à un savant que la poésie n’est pas la rime. Il faut vraiment plaindre l’auteur de n’avoir trouvé sur sa route que des savants à qui il a fallu essayer de prouver que ses suaves mélodies n’étaient pas des bouts rimés. Je croirai, au reste, ne faire aucun tort à la généralité des savants qu’on traite avec tant de dédain, en avouant qu’ils prennent pour règle de leur poétique cette maxime d’un grand maître :


Rien n’est beau que le vrai.

Or, j’avoue ingénument que les savants ne croient pas que les formes plus ou moins heureuses du langage aient le déplorable privilége de transformer l’erreur en vérité. Le plus beau style, suivant eux, ne peut pas faire que la lumière des feux allumés par les pêcheurs napoli-