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labe ; mais quelqu’un lui ayant demandé : Quel est le carré de 12 ? en obtint sur-le-champ la réponse : Cent quarante-quatre.

Il était naturel que ce souvenir académique suggérât aux amis de Monge la pensée d’une expérience analogue, et qu’ils espérassent s’éclairer ainsi sur la véritable nature des affections encéphaliques dont l’illustre géomètre ressentait si déplorablement les effets. D’une voix unanime, on convint que rien au monde, dans le vaste champ de la science ou de la politique, ne conduirait à un résultat plus décisif que l’hymne patriotique de la Marseillaise.

La Marseillaise laissa Monge complétement impassible, la Marseillaise ne fit éprouver aucune émotion visible au commensal du général Bonaparte à Passeriano, au commissaire organisateur de la république romaine. De ce moment, la maladie fut jugée incurable ; la famille, les amis de notre confrère n’eurent plus d’autre perspective qu’une douloureuse résignation.

Monge mourut le 18 juillet 1818. Aussitôt que ce triste événement fut connu, les élèves de l’École polytechnique sollicitèrent d’une voix unanime et à titre de faveur insigne, la permission d’accompagner jusqu’à leur dernière demeure les restes inanimés de l’homme éminent que la France venait de perdre. L’autorité repoussa brutalement cette prière. Elle s’obstina à qualifier d’intrigue politique une démarche où, en se dépouillant de toute prévention, on n’aurait vraiment trouvé que la manifestation honorable d’un sentiment filial. Il m’est pénible de l’avouer, d’anciens élèves de Monge eurent la faiblesse de croire que, dans ses préoccupations, l’autorité avait