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cette amitié d’un héros inonda le cœur de notre confrère de satisfaction, de joie, de reconnaissance.

Il n’est pas rare d’entendre des personnes s’écrier : « J’aurais su résister, moi, à toutes les séductions du général, du consul, de l’empereur. » On en rencontre peu qui puissent dire : « J’ai résisté. » L’épreuve, par le plus malheureux des hasards, n’aurait-elle été faite que sur des caractères cupides, vaniteux, sans noblesse, sans fermeté ?

Je pourrais, en citant des noms propres, montrer combien on s’égarerait en s’obstinant à envisager les choses de ce point de vue ; mais je veux écarter du débat toutes les susceptibilités contemporaines. Je me bornerai à un seul fait, emprunté à une époque éloignée.

Qui ne connaît les solitaires de Port-Royal ? Un d’entre eux, célèbre par les qualités de l’esprit, la droiture et la fermeté du caractère, et une incorruptibilité à toute épreuve, est mandé à Versailles. Louis XIV lui parle pendant quelques minutes avec affabilité. Il n’en fallut pas davantage. Le bonhomme, comme l’appelait madame de Sévigné, sortit de l’entretien tellement charmé, tellement séduit, qu’on l’entendait se dire à chaque instant : « Il faut s’humilier, il faut s’humilier ! »

Je recommande ces paroles d’Arnaud d’Andilly à ceux qui parlent avec tant de sévérité de la faiblesse de Monge et du superbe dédain que les prévenances de Napoléon leur eussent inspiré.