Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/586

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec amertume, pour ainsi parler, aux manières, aux allures corporelles de Monge ; aux formes, aux habitudes de sa conversation. Dans cette petite section de leur grande croisade, ils eurent pour auxiliaire madame Roland.

Cette femme célèbre avait fait quelques portraits fort ressemblants, pétillants d’esprit et de finesse ; elle échoua complétement en voulant peindre Monge. Son prétendu portrait de notre confrère était une caricature aux contours grossiers, couverte de couleurs fausses, heurtées, blessant les vues les moins délicates. La compagne du ministre Roland, du personnage de France le plus solennel, le plus compassé, le plus raide dans ses manières, devait manquer des qualités indispensables pour bien apprécier la bonhomie, la naïveté de Monge.

Si la haine avait jamais raisonné, aurait-elle pris au sérieux une diatribe où Monge (oserai-je vraiment l’écrire ?) était représenté comme un esprit épais et borné ; où les termes pasquin, singe, ours et tailleur de pierre (ces trois derniers mots pris pour une injure) se trouvent groupés de telle manière que l’esprit se refuse à y voir l’œuvre d’une femme.

Monge ne possédait peut-être pas à un degré éminent les manières élégantes que donne l’usage du grand monde ; mais il avait, ce qui vaut infiniment mieux, une politesse sans affectation et sincère : la politesse qui vient du cœur.

Je suis loin de penser que, sur des questions politiques, Monge rivalisât, dans les salons du girondin Roland, avec les Guadet, les Gensonné, les Vergniaud ; mais