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SECONDE RESTAURATION. — EXAMEN DES DIATRIBES DONT LE SAVANT ILLUSTRE FUT L’OBJET.


Peu de jours après la seconde Restauration, Monge alla rendre visite à Guyton de Morveau, qui était très-gravement malade. Le célèbre chimiste reconnut son confrère, et lui dit d’une voix défaillante : « Je n’ai que peu de moments à vivre. Ma mort d’ailleurs arrivera bien à propos. Je leur épargnerai le soin de me trancher la tête. »

Les derniers accents d’un mourant ont quelque chose de solennel, qui agit fortement même sur les esprits les moins enclins à la superstition. Les funèbres paroles de Guyton revenaient sans cesse à l’esprit de Monge, et, quoique aux yeux de la raison sa position politique fût entièrement différente de celle d’un conventionnel qui avait figuré parmi les juges de Louis XVI, il ne s’en croyait pas moins menacé du danger dont le célèbre chimiste l’entretenait à son heure suprême. Cette préoccupation n’ayant pu être vaincue, il fallut que la famille de Monge se décidât à chercher une retraite où l’illustre vieillard serait exempt d’inquiétude, et que, s’imposant, encore une fois, la plus douloureuse privation, elle se séparât momentanément de l’homme, objet de toute sa tendresse, qui faisait à la fois son bonheur et son juste orgueil.

Monge se réfugia d’abord chez madame Ybert, rue Saint-Jacques.

Les femmes, pendant les phases diverses de notre