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vaillante, mais assez nombreuse pour résister au choc de l’Europe.

Monge était préparé par ses revues du Carrousel à la catastrophe de Waterloo. « J’avais, disait-il, acquis la certitude que, pour exciter la confiance de la capitale, les mêmes troupes paradaient plusieurs fois sous des dénominations différentes. » Monge se faisait illusion, sans doute, mais son erreur était excusable : n’avait-il pas vu, après la campagne de Syrie, le retour de notre petite armée au Caire transformé en une marche triomphale, dans laquelle, par ordre, chaque soldat s’était couvert de palmes ? Des évolutions de toute nature, très-habilement combinées, n’eurent-elles pas pour but de tromper la population égyptienne sur la force de l’armée française ?

Quoi qu’il en puisse être, Monge fut plus assidu encore auprès du général trahi par la fortune qu’il ne l’avait été auprès du vainqueur de Marengo, d’Austerlitz, d’Iéna, de Friedland, aux époques de sa toute-puissance. Les palais de l’Élysée et de la Malmaison, alors presque complétement déserts, reçurent le grand géomètre matin et soir.

Que ne m’est-il permis, Messieurs, de citer ici par leurs noms des personnages qui, entièrement privés, sans doute, du sens moral, croyaient simplement faire preuve d’une gaieté spirituelle en présentant des devoirs assidus rendus au malheur comme une preuve irrécusable d’affaiblissement dans les facultés intellectuelles ?

Le vaincu de Waterloo habitait l’Élysée. Dans un de ses entretiens intimes avec Monge, Napoléon développa les projets qu’il avait en vue. L’Amérique était alors son