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nion commune, Monge et Berthollet avaient été les promoteurs de cette malencontreuse expédition. Souvent ces deux noms figurèrent dans l’expression du mécontentement des soldats, surtout lorsqu’une soif ardente les torturait, surtout après la levée du siége de Saint-Jean d’Acre, au milieu des sables ardents du désert. Ce sentiment, que, dans certaines circonstances, on aurait pu prendre pour de la haine, n’avait rien de sérieux. Monge ne quittait jamais un poste, un bivouac, sans s’être fait des amis de tous ceux qui l’avaient approché.

L’armée mourant de soif aperçoit un puits ; chacun se précipite ; c’est à qui boira le premier, sans distinction de grade. Monge arrive, et entend dire de toute part dans la foule : Place à l’ami intime du général en chef ! — Non, non, s’écrie l’illustre géomètre, les combattants d’abord ; je boirai ensuite, s’il en reste !

L’homme qui, en proie à la plus cruelle des tortures, a prononcé ces belles paroles peut compter à jamais sur la vénération profonde de tous ceux qui les ont entendues, quoiqu’il ait amené l’armée dans le pays du sable.

Si Monge se faisait des amis de tous ceux qui l’approchaient, c’est qu’il était pour tout le monde d’une complaisance inépuisable ; c’est qu’il répondait avec le même empressement, avec le même soin, avec le même scrupule à la question du fantassin et à celle du général. Seulement, quand il avait un auditoire principalement composé de simples soldats, notre confrère manquait rarement de jeter dans ses explications des détails familiers et gais.

Un jour, au milieu de ces mers de sable indéfinies, où