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leur imagination. L’ascension de l’aérostat, préparé par Conté, réussit à souhait ; mais les Africains n’en montrèrent aucune surprise ; on vit bon nombre d’individus de tous les rangs traverser la grande place Esbékiéh sans daigner lever la tête à l’instant où le ballon planait majestueusement dans les airs.

Monge ne se trompait-il pas en cherchant dans ce qu’il appelait l’apathie des pays chauds la cause du peu d’étonnement qu’avait manifesté l’élite de la population égyptienne dans le laboratoire de chimie, dans le cabinet de physique ou sur la place Esbékiéh, pendant l’ascension de l’aérostat ? Le cheik El-Békry a déjà répondu : les Orientaux croient généralement à la sorcellerie ; or, que sont les résultats positifs de la science, de l’art, à côté des conceptions imaginaires d’un sorcier ? Pouvait-on raisonnablement espérer d’exciter de l’enthousiasme, par quelques expériences plus ou moins ingénieuses, chez des hommes nourris de la lecture des Mille et Une nuits ; chez des hommes habitués à prendre les récits de la princesse Schéhérazade non pour des rêveries d’une imagination fantasque, mais comme des peintures d’un monde réel ? Présentez à ces mêmes hommes des choses vraiment extraordinaires dans l’ordre de leurs idées ou de leurs habitudes, et vous les trouverez susceptibles d’étonnement, d’enthousiasme comme les Européens. Voyez, par exemple, avec quelle assiduité, avec quel recueillement des musulmans de tout âge, des dignitaires de l’ordre des ulémas assistaient aux séances de l’Institut, même avant de savoir un seul mot de notre langue. Une assemblée délibérante qui ne s’occupait ni de religion, ni de guerre,