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Voilà une bien grande erreur, Messieurs. Il y avait réellement tout un monde entre les vues et les méthodes des deux écoles. Mettez à l’écart quelques points de morale, sur lesquels d’anciens philosophes nous ont légué des conceptions vraiment sublimes, et vous ne les trouverez généralement occupés que de problèmes à jamais inabordables, sans solution possible ; que de questions qui ne pouvaient pas même être posées en termes nets et précis ; que de rêveries oiseuses ou stériles.

À l’Institut d’Égypte, au contraire, sans prétendre porter atteinte à un droit imprescriptible de l’imagination, celui de tracer à l’esprit humain des routes entièrement nouvelles, on s’accordait à n’enregistrer les théories dans les fastes de la science qu’après leur avoir fait subir le contrôle sévère de l’expérience et du calcul. Combien n’y a-t-il pas de questions capitales que nous serons réduits à léguer à nos neveux telles que nous les avons reçues, et qui seraient définitivement résolues si les philosophes tant vantés de la Grèce, au lieu de prétendre deviner la nature, avaient accepté le rôle infiniment plus modeste, mais plus sûr, de l’observer.

Un rapport de Berthier, chef de l’état-major général de l’armée d’Orient, au ministre de la guerre, contenait ces lignes, si flatteuses pour les deux représentants de l’Institut de France en Égypte : « Les citoyens Monge et Berthollet sont partout, s’occupent de tout, et sont les premiers moteurs de tout ce qui peut propager les sciences. » Le général aurait dû ajouter que, dès l’origine, les deux académiciens s’étaient occupés sans relâche des moyens de frapper l’imagination des Orientaux ; des