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montra une docilité exemplaire ; le tambour rotatif le reçut, et il aurait bientôt conduit l’opération à son terme, si, voulant compléter l’expérience, je ne l’avais fait ôter après un certain temps, pour soumettre à une nouvelle épreuve le chien récalcitrant. Le chien récalcitrant, dont le tour était alors venu, obéit au premier signe de la cuisinière, entra sans difficulté dans le tourne-broche rustique, et y fonctionna comme l’écureuil dans sa cage.

« Ne résulte-t-il pas de là, mon cher Ampère, que des chiens peuvent avoir le sentiment du juste et de l’injuste, se faire une sorte de charte et endurer des souffrances corporelles plutôt que de la laisser violer ? »

Les traits d’Ampère exprimaient vivement l’intérêt qu’il prenait à ce récit ; on devait croire qu’il allait s’écrier comme Lactance : « Excepté en matière de religion, les bêtes participent à tous les avantages de l’espèce humaine ! » Cependant notre confrère ne poussa pas les choses aussi loin que le Cicéron chrétien. En modifiant ses anciennes opinions sur l’instinct, il admit seulement que les êtres animés offrent dans leur ensemble tous les degrés possibles de l’intelligence, depuis son absence à peu près complète, jusqu’à celle dont les confidents du Très-Haut, suivant l’expression de Voltaire, doivent être jaloux.

Je ne quitterai pas ce sujet avant d’avoir montré, par un nouvel exemple, combien Ampère, malgré l’extrême vivacité qu’il apportait dans les discussions, était, au fond, loyal, tolérant, à l’abri des passions haineuses que les idées préconçues et l’amour-propre amènent ordinairement à leur suite.