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sèment toutes les sciences qui n’étaient point professées sous le gouvernement des chevaliers.

Le 19 juin, l’escadre se remit en route. Monge quitta alors la division de Civita-Vecchia et passa à bord du vaisseau amiral l’Orient, que montait le général en chef. Quoique arrivé à l’âge de cinquante-deux ans, il avait encore, comme à Mézières, un esprit plein de jeunesse, une imagination vive, un caractère enthousiaste. Les descriptions animées que Monge se plaisait à faire des merveilles de l’Italie, des chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture, qu’il venait de restaurer avec un soin religieux et d’envoyer en France, tenaient sous le charme l’auditoire d’élite qui l’entourait. Pour répandre de la variété sans confusion sur ces entretiens savants, il fut convenu que le général en chef indiquerait chaque matin les questions qui seraient examinées et débattues dans les réunions de l’après-dînée. J’ai remarqué qu’on agita ainsi plusieurs des plus grands problèmes de la cosmogonie et de l’astronomie ; ceux-ci, par exemple : « Les planètes sont-elles habitées ? Quel est l’âge du monde ? Est-il probable que le globe éprouvera quelque nouvelle catastrophe par l’eau ou par le feu ? »

Voilà quelles étaient les occupations journalières des passagers du vaisseau l’Orient, de cette immense ville flottante qui, quelques semaines après, envahie par les flammes, devait sauter en l’air avec son vaillant équipage. Voilà ce qui, dès le début, imprima à l’expédition d’Égypte un caractère dont l’histoire d’aucun peuple n’avait offert le modèle. Lorsque Alexandre, à la prière d’Aristote, se fit accompagner en Asie par le philosophe