Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/498

Cette page a été validée par deux contributeurs.



QUEL FUT LE FONDATEUR DE L’ÉCOLE POLYTECHNIQUE[1] ?


En France, le public semble éprouver l’invincible besoin de rattacher un nom d’homme au nom de chacune des institutions qui font la gloire et la force de notre pays. C’est ainsi que les mots fortification et Vauban sont devenus inséparables, que le premier n’est presque jamais prononcé sans le second ; c’est ainsi qu’on est obligé de faire une sorte d’effort sur soi-même pour ne pas ajouter Buffon après avoir dit Jardin des Plantes ; et, revenant à mon sujet, c’est ainsi que le nom de Monge semble être l’accompagnement obligé du nom d’École polytechnique.

Ces réflexions me conduisent à examiner si vraiment le public, jusqu’à ces dernières années, a été le jouet d’une illusion ; si Monge, comme on l’a soutenu récemment, ne fut pas le fondateur réel de notre grande École ; si parmi les trois ou quatre prétendants posthumes à cet honneur insigne, il en est un seul dont les titres puissent résister à une discussion sérieuse.

Voulons-nous que cette sorte de personnification des grandes institutions, que cette haute récompense accordée spontanément par tout un peuple, excite l’émulation des hommes d’élite, les soutienne dans leurs pénibles tra-

  1. L’opinion que je cherche à faire prévaloir ici me semble être la conséquence logique des documents officiels si consciencieusement analysés dans l’élégante et véridique histoire de l’École polytechnique, par M. de Fourcy ; elle me paraît aussi résulter de l’examen comparatif des renseignements que je recueillis, dans le temps, de la bouche même de Trieur de la Côte-d’Or, de Carnot et de Monge.