Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/489

Cette page a été validée par deux contributeurs.

imputations diverses qu’on fit planer sur Monge. Il est résulté de mon travail, je me plais à le proclamer, que jamais on n’avait accumulé autant de faits d’une fausseté plus manifeste, plus palpable. Quand cette biographie aura vu le jour, il ne restera plus aucune trace, j’en ai la certitude, de la trame odieuse dont notre confrère faillit devenir la victime. Je me bornerai ici, par le besoin d’abréger, à déclarer, avec la conviction de ne céder à aucune illusion, de ne me laisser aveugler ni par la reconnaissance ni par l’amitié, que Monge eut une véritable aversion pour les hommes qui avaient demandé à la terreur, à l’échafaud, la force d’opinion dont ils croyaient avoir besoin pour diriger la marche de la Révolution. L’illustre géomètre ne s’est jamais associé à la pensée méprisable que nos compatriotes ne pussent être poussés à la frontière que par l’horreur et la crainte des supplices quotidiens ; il aurait couvert de son indignation ces paroles d’un auteur légitimiste célèbre : « Le gouvernement révolutionnaire avait besoin d’endurcir le cœur des Français en le trempant dans le sang. » Enfin, Monge, qui dans ses travaux ne recourut jamais ni à un acte de rigueur ni, qui plus est, à une parole blessante ; Monge, qui exécuta de si grandes choses en se contentant d’exalter à propos l’amour du pays et de la liberté, aurait protesté de toutes les forces de sa belle âme contre cette décision de M. de Maistre, si déplorablement adoptée de nos jours : « Le génie infernal de Robespierre pouvait seul opérer un prodige, pouvait seul briser l’effort de l’Europe conjurée ! »

Le tribunal révolutionnaire, cet instrument docile et odieux, ne fut pas détruit immédiatement après le 9 ther-