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monde par sa beauté, par sa grâce, par sa bonté infinie, ne la tentèrent pas. Elle vécut dans une retraite presque absolue, même aux époques où le savant académicien était le plus en évidence. La femme du maire de la capitale ne parut qu’à une seule cérémonie publique : le jour de la bénédiction des drapeaux des soixante bataillons de la garde nationale par l’archevêque de Paris, elle accompagna madame de Lafayette à la cathédrale. « Le devoir de mon mari, disait-elle, est de se montrer au public partout où il y a du bien à faire et de bons conseils à donner ; le mien est de rester dans ma maison. » Cette réserve si rare, si respectable, ne désarma point quelques hideux folliculaires. Leurs impudents sarcasmes allaient sans relâche saisir l’épouse modeste au foyer domestique, et troubler sa vie. Dans leur logique de carrefour, ils imaginaient qu’une femme élégante et belle, qui fuyait la société, ne pouvait manquer d’être ignorante et dépourvue d’esprit. De là, mille propos imaginaires, ridicules à la fois dans le fond et dans la forme, jetés journellement au public, plus encore, il est vrai, pour offenser, pour dégoûter l’intègre magistrat, que pour humilier sa compagne.

La hache qui trancha la vie de notre confrère brisa du même coup, et presque complétement, tout ce que tant d’agitations poignantes, de malheurs sans exemples, avaient laissé chez madame Bailly de force d’âme et de puissance intellectuelle. Un incident étrange aggrava encore beaucoup la triste situation de madame Bailly. Dans un jour de trouble, du vivant de son mari, elle avait substitué à la ouate d’un de ses vêtements le produit, en