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graphes des hommes d’étude se sont le plus attachés à mettre en relief. J’ose affirmer que dans l’acception ordinaire c’est une pure flatterie. Pour mériter le titre de modeste, faut-il se croire au-dessous de compétiteurs dont on est au moins l’égal ? Faut-il, quand vous vous examinez vous-même, manquer du tact, de l’intelligence, du jugement que la nature vous a départi et dont vous faites un si bon usage en appréciant les œuvres des autres ? Oh ! alors, peu de savants ont été modestes. Voyez Newton : sa modestie est presque aussi célébrée que son génie. Eh bien, j’extrairai de deux de ses Lettres, à peine connues, deux paragraphes qui, rapprochés l’un de l’autre, exciteront quelque étonnement ; le premier confirme l’opinion générale ; le second semble la contredire non moins fortement. Voici ces passages :

« On est modeste en présence de la nature.

« On peut sentir noblement ses forces devant les travaux des hommes. »

Suivant moi, l’opposition entre ces deux passages n’est qu’apparente ; elle s’explique à l’aide d’une distinction que j’ai déjà légèrement indiquée.

La modestie de Bailly exigeait la même distinction. Quand on le louait en face sur la diversité de ses connaissances, notre confrère ne repoussait pas d’abord le compliment ; mais bientôt après, arrêtant son panégyriste, il lui disait à l’oreille, avec un air de mystère : « Je vous confie mon secret ; n’en abusez pas, je vous prie : je suis seulement un tant soit peu moins ignorant qu’un autre. »

Jamais personne ne mit ses actions plus en harmonie avec ses principes. Bailly est amené à réprimander avec