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Tacite avait pris pour devise : « Ne rien dire de faux, n’omettre rien de vrai. » Notre confrère se contenta, dans la société, de la première moitié du précepte. Jamais un trait moqueur, acerbe, sévère, ne sortit de sa bouche. Ses manières étaient une sorte de terme moyen entre celles de Lacaille et les manières d’un autre académicien qui avait réussi à ne pas se faire un seul ennemi, en adoptant les deux axiomes : « Tout est possible, et tout le monde a raison. »

Crébillon obtint de l’Académie française la permission de faire son discours de réception en vers. Au moment où le poëte, presque sexagénaire, dit, en parlant de lui-même :

Aucun fiel n’a jamais empoisonné ma plume,

la salle retentit d’applaudissements.

J’allais appliquer à notre confrère le vers de l’auteur de Rhadamiste, lorsque le hasard fit tomber sous mes yeux un passage où Lalande reproche à Bailly d’être sorti de son caractère, en 1773, dans une discussion qu’ils eurent ensemble, sur un point de la théorie des satellites de Jupiter. Je me suis mis en quête de cette polémique ; j’ai découvert la pièce de Bailly dans un journal de l’époque, et j’affirme que cette réclamation ne renferme pas un seul mot qui ne soit en harmonie avec tous les écrits de notre confrère qui sont connus du public. Je reviens donc à ma première idée, et je dis de Bailly, avec une entière assurance,

Aucun fiel n’a jamais empoisonné sa plume.

La modestie est ordinairement le trait que les bio-