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petits et couverts, un nez régulier, mais d’une longueur peu ordinaire, un teint très-brun, composaient un ensemble imposant, sévère, presque glacial. Heureusement, il était aisé d’apercevoir à travers cette rude écorce l’inépuisable bienveillance de l’honnête homme ; la douceur qui toujours va de compagnie avec la sérénité de l’âme, et même quelques rudiments de gaieté.

Bailly avait cherché de bonne heure à modeler sa conduite sur celle du savant célèbre, l’abbé de Lacaille, qui dirigea ses premiers pas dans la carrière de l’astronomie. Aussi arrivera-t-il qu’en transcrivant cinq à six lignes de l’Éloge plein de sensibilité que l’élève consacra à la mémoire de son maître vénéré, j’aurai fait connaître, en même temps, plusieurs des traits caractéristiques du panégyriste :

« Il était froid et réservé avec ceux qu’il connaissait peu ; mais doux, simple, égal et familier dans le commerce de l’amitié. C’est là que, dépouillant l’extérieur grave qu’il avait en public, il se livrait à une joie paisible et honnête. »

La ressemblance entre Bailly et Lacaille ne va pas plus loin. Bailly nous apprend que le grand astronome proclamait la vérité à toute occasion, et sans s’inquiéter de ceux qu’elle pouvait blesser. Il ne consentait pas à mettre le vice à son aise.

«Si les hommes de bien, disait-il, déployaient ainsi leur indignation, les méchants mieux connus, le vice démasqué, ne pourraient plus nuire, et la vertu serait plus respectée. » Cette morale spartiate ne pouvait s’accorder avec le caractère de Bailly ; il l’admirait et ne l’adopta pas.