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personne n’agite le drapeau rouge enflammé sur la figure de Bailly, par la raison que cette barbarie n’est point mentionnée dans les relations, d’ailleurs si déchirantes, rédigées par des amis de notre confrère, peu de temps après l’événement ; je n’ai point consenti enfin, avec l’auteur de l’Histoire de la Révolution française, à placer dans la bouche d’un des soldats de l’escorte la question qui amena de la part de la victime, non pas, disons-le en passant, cette réponse théâtrale : « Oui, je tremble, mais c’est de froid ; » mais les paroles si touchantes, si bien dans les habitudes et dans le caractère de Bailly : « Mon ami, j’ai froid. »

Loin de moi, Messieurs, la supposition qu’aucun soldat au monde ne serait capable d’une action blâmable et basse. Je ne demande pas, assurément, la suppression des conseils de guerre ; mais pour se décider à donner à un homme revêtu de l’uniforme militaire, un rôle personnel dans l’épouvantable drame, il fallait des preuves ou des témoignages contemporains dont je n’ai trouvé nulle trace. Le fait, s’il avait existé, aurait eu certainement des suites connues du public. J’en prends à témoin un événement qui se trouve relaté dans les Mémoires de Bailly.

Le 22 juillet 1789, sur la place de l’Hôtel de Ville, un dragon mutila avec son sabre le cadavre de Berthier. Ses camarades, outrés de cette barbarie, se montrèrent à l’instant résolus de le combattre l’un après l’autre, et de laver dans son sang la honte qu’il avait fait rejaillir sur le corps tout entier. Le dragon se battit le soir même et fut tué.

Riouffe dit dans son Histoire des Prisons, que « Bailly