Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/425

Cette page a été validée par deux contributeurs.

constance importante qui m’a paru ressortir de tous les faits. Après avoir pesé mes preuves, chacun, je l’espère, se réunira à moi pour ne plus voir autour de l’échafaud de Bailly que des misérables, rebut de la population, accomplissant, à prix d’argent, le rôle qui leur avait été assigné par trois ou quatre riches cannibales.

C’est le 12 novembre 1793 que la sentence rendue contre Bailly par le tribunal révolutionnaire devait être exécutée. Les souvenirs, récemment publiés, d’un compagnon de captivité de notre confrère, les souvenirs de M. Beugnot, nous permettront de pénétrer à la Conciergerie, dans la matinée de ce jour néfaste.

Bailly s’était levé de bonne heure après avoir dormi, comme à l’ordinaire, du sommeil du juste. Il prit du chocolat, et s’entretint longtemps avec son neveu. Le jeune homme était en proie au désespoir ; l’illustre prisonnier conservait toute sa sérénité. La veille, en revenant du tribunal, le condamné remarquait avec un sang-froid admirable, mais empreint d’une certaine inquiétude : « qu’on avait fortement excité contre lui les spectateurs de son procès. Je crains, ajoutait-il, que la simple exécution du jugement ne leur suffise plus, ce qui serait dangereux par ses conséquences. Peut-être la police y pourvoira-t-elle. » Un reflet de ces impressions ayant pénétré, le 12, dans l’esprit de Bailly, il demanda et prit, coup sur coup, deux tasses de café à l’eau. Ces précautions étaient de sinistre augure. « Calmez-vous, disait notre vertueux confrère à ceux qui, dans ce moment suprême, l’entouraient en sanglotant ; j’ai un voyage assez difficile à faire, et je me défie de mon tempérament. Le café excite et ranime ;