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révolution, était fort difficile à conduire et à gouverner. Dans ses rangs, l’insubordination paraissait la règle ; l’obéissance hiérarchique, la très-rare exception. Ma réflexion semblera peut-être sévère : eh ! Messieurs, parcourez les écrits du temps, la Correspondance de Grimm, par exemple, et vous verrez, à la date de novembre 1790, un capitaine démissionnaire répondant à sa compagnie désolée : «Consolez-vous, mes camarades, je ne vous quitte pas ; seulement, je serai désormais simple fusilier. Si vous me voyez résolu à ne plus rester votre chef, c’est que je suis bien aise de commander à mon tour. »

Il est permis, en outre, de supposer que la garde nationale de 1791 manquait, en présence des attroupements, de cette patience, de cette longanimité dont la troupe de ligne française a donné souvent de si parfaits modèles. Elle ne comprenait pas assez que, dans une grande ville, les rassemblements se composent, en majeure partie, de désœuvrés et de curieux.

Il était sept heures trente minutes quand le corps municipal arriva au champ de la fédération (Champ-de-Mars). Aussitôt, des individus placés sur les glacis crièrent : « A bas le drapeau rouge ! à bas les baïonnettes ! » et lancèrent des pierres. Il y eut même un coup de feu. On fit une décharge en l’air pour effrayer ; mais les cris reprirent bientôt ; des pierres furent lancées de nouveau ; alors seulement commença la fusillade meurtrière de la garde nationale.

Voilà, Messieurs, le déplorable événement du Champ-de-Mars, fidèlement analysé d’après la relation que Bailly en donna lui-même le 18 juillet à l’Assemblée consti-