Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/366

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mouvement national de 89. À cette époque, les institutions démocratiques n’avaient pas de censeur plus acerbe, plus violent. Marat se plaisait à laisser croire qu’en quittant la France pour l’Angleterre, il fuyait surtout un spectacle de rénovation sociale qui lui était odieux. Cependant, un mois après la prise de la Bastille, il revint à Paris, fonda un journal, et, dès son début, laissa bien loin derrière lui ceux-là même qui, dans l’espoir de se faire remarquer, croyaient devoir pousser l’exagération jusqu’aux dernières limites. Les anciennes relations de Marat et de M. de Calonne étaient parfaitement connues ; on se rappelait ces paroles de Pitt : « Il faut que les Français traversent la liberté, et soient ramenés à l’ancien régime par la licence ; » les adversaires avoués de la Révolution montraient par leur conduite, par leurs votes, et même par leurs imprudentes paroles, que, suivant eux, le pis était le seul moyen de revenir à ce qu’ils appelaient le bien ; et, toutefois, ces rapprochements instructifs frappèrent seulement huit ou dix membres de nos grandes assemblées, tant le soupçon occupe peu de place dans le caractère national, tant la défiance est pénible à la loyauté française. Les historiens de nos troubles eux-mêmes ont à peine effleuré la question, assurément très importante, très-curieuse, que je viens de soulever. En pareille matière, le rôle de prophète est passablement hasardeux ; cependant, je n’hésite pas à prédire qu’une étude minutieuse de la conduite et des discours de Marat ramènera de plus en plus la pensée sur ces chapitres des traités de chasse, où l’on nous montre des faucons, des éperviers de mauvaise espèce, ne poursuivant d’abord le