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nourriture ; il résolut donc de consacrer ses jours et ses nuits à l’approvisionnement de la capitale ; de mériter, comme il le disait lui-même, le titre de père nourricier des Parisiens, ce titre dont il se montra toujours si fier, après l’avoir péniblement conquis.

Bailly a consigné, jour par jour, dans ses Mémoires, le tableau de ses démarches, de ses inquiétudes, de ses frayeurs. Il sera peut-être bon, pour l’instruction des heureux administrateurs de notre époque, de transcrire ici quelques lignes du journal de notre confrère :

« 18 août. Nos provisions sont extrêmement réduites. Celles du lendemain dépendent strictement des dispositions arrêtées la veille ; et voilà qu’au milieu de cette détresse, nous apprenons que nos voitures de farine sont arrêtées à Bourg-la-Reine ; que des bandits pillent les marchés sur la route de Rouen ; qu’ils se sont emparés de vingt voitures de farine qui nous étaient destinées ;… que le malheureux Sauvage a été massacré à Saint-Germain en Laye ;… que Thomassin a échappé avec beaucoup de peine à la fureur de la population de Choisy. »

En reproduisant textuellement ces paroles ou quelque chose d’équivalent, autant de fois qu’il y eut de jours de disette dans l’année 1789, on se fera une idée exacte des inquiétudes qu’éprouva Bailly dès le lendemain de son installation comme maire. Je me trompe : il faudrait, pour compléter le tableau, enregistrer aussi les démarches irréfléchies, inconsidérées d’une multitude d’individus dont la destinée paraît être de se mêler de tout pour tout gâter. Je ne résisterai pas au désir de montrer un