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Rapport de Bailly, des cas purement exceptionnels, appartenant à ces époques cruelles où les populations, victimes de quelque épidémie, sont éprouvées par delà toutes les prévisions humaines. Dans l’état habituel, les lits de l’Hôtel-Dieu, des lits qui n’avaient pas 1 mètre 1/2 de large, contenaient quatre et souvent six malades ; ils y étaient placés en sens inverse : les pieds des uns répondaient aux épaules des autres ; ils n’avaient chacun, pour leur quote-part d’espace, que 25 centimètres ; or, un homme de taille moyenne couché les bras appuyés et serrés le long du corps, a 48 centimètres de large vers les épaules. Les pauvres malades ne pouvaient donc se tenir au lit que sur le côté et dans une immobilité complète ; aucun ne se tournait sans heurter le voisin, sans le réveiller : aussi se concertaient-ils, tant que leur état le permettait, pour que les uns restassent levés dans la ruelle pendant une partie de la nuit, tandis que les autres dormaient ; aussi, lorsque les approches de la mort clouaient ces malheureux à leur place, trouvaient-ils encore la force de maudire énergiquement des secours qui, en pareille situation, pouvaient seulement prolonger une douloureuse agonie.

Mais ce n’était pas assez que des lits ainsi placés fussent une source de malaise, de dégoût ; qu’ils ôtassent le repos, le sommeil ; qu’une chaleur insupportable y fît naître, y propageât les maladies de la peau et une affreuse vermine ; que le fiévreux arrosât ses deux voisins d’une abondante sueur ; que lui-même, dans le moment critique, fût refroidi par les attouchements inévitables de ceux que l’accès devait saisir plus tard, etc. Des effets plus graves